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Enzo Ferrari, Ferdinand Porsche, Ferruccio Lamborghini. Derrière les grandes marques de voitures de sport qui survivent aujourd’hui se trouvent souvent des hommes à la détermination et au génie exceptionnels. Dix ans après la présentation officielle de sa première voiture, Horacio Pagani semble en passe de gagner son pari fou de rejoindre ses illustres ainés au panthéon des constructeurs cultes. Tout comme celle des noms cités ci-dessus, l’histoire de Pagani est assez singulière.

La passion d'Horacio Pagani remonte à son enfance où, dès 12 ans, il sculptait des voitures de sport en bois ou en argile. A l'âge de 20 ans, il dessina une F3 qui courut en Argentine sous les couleurs du team officiel Renault.

Ce voyage en Amérique du Sud allait marquer un tournant décisif de sa vie. Là bas, il rencontra son idole, Juan Manuel Fangio, qui l'introduisit dans les sanctuaires de Modène. Il fut engagé chez Lamborghini comme mécanicien au département carrosserie mais fut vite promu directeur de la nouvelle division des matériaux composites. A ce titre, il prit part aux grands projets de cette époque: le LM, la Countach Quattrovalvole... En 1988, il sauta le pas et créa son entreprise, Pagani Composite Research, qui participa entre autres au restyling de la Countach Anniversaire et poursuivit ensuite avec la Diablo.  Mais le rêve le plus cher d'Horacio Pagani était de construire sa propre supercar. En 1988, il montra les croquis du projet C8 à Fangio. Il se proposait alors de nommer la voiture la Fangio F1 en hommage au grand Champion.

En 1992, Pagani commença la construction du prototype qui fut testé dans la soufflerie de Dallara en 1993. Les résultats furent très positifs. En prescripteur de luxe, Fangio donna un nouveau coup de pouce en présentant Pagani à Mercedes. En 1994, la marque Allemande donna son accord officiel pour la fourniture d'un moteur V12. Après quatre années supplémentaires, Pagani obtint l'homologation de son projet C8 et la première Zonda C12 fut présentée au salon de Genève 1999, onze ans après le début de l'aventure. Par modestie et respect pour le Champion disparu en 1995, le nom de la voiture fut changé mais il provient toujours d'Amérique du Sud, le Zonda étant un vent qui souffle dans les Andes. Motorisée par le V12 6.0L AMG, la voiture bénéficie évidemment de la maitrise des matériaux composite de son créateur, avec un chassis et une carrosserie en carbone. Cinq exemplaires furent initialement produits.

A ce jour, la Zonda reste le seul modèle produit par Pagani, mais il a quand même connu plusieurs évolutions. Le moteur passa rapidement à 7.0L sur la C12S, et à 550 chevaux. Petite modification aéro, l'aileron arrière est désormais en deux parties. Quinze C12S sortirent des ateliers. En 2002, on en remet une petite couche, le moteur passe à 7.3L et gagne surtout au niveau du couple. Emblématique du savoir faire de son créateur, une première voiture est produite avec une coque en carbone nu, simplement verni. Une option qui deviendra chère aux clients de la marque, dans tous les sens du terme.

Evolution suivante, la Zonda F (comme Fangio!), à l'aérodynamique retravaillée et à la puissance portée à 650 chevaux. Les freins Brembo sont désormais en carbone céramique. La F est proposée en coupé ou en Roadster (25 exemplaires). Alors que le prix des premiers modèles était de 325 000 dollars, la F coûte désormais 740 000 dollars. Le prix de l'exclusivité.  En 2007, pour commémorer la course légendaire de Fangio sur le Nordschleife en 1957, Pagani s'attaqua au record de la piste et le battit en 7:27:82, une nouvelle référence pour les supercars.

Suite à ce record, le concessionnaire de Hong Kong réclama avec insistance une version plus radicale de la Zonda et fut exaucé avec la production de la Cinque, limitée donc à 5 exemplaires, dont le premier exemplaire fut présenté à Genève. Ce nouveau modèle inclut des éléments en titane pour gagner du poids et introduit un nouveau matériau composite, le carbone - titane. Boite à 6 vitesses, roues en aluminium de 19 pouces à l'avant et 20 pouces à l'arrière viennent compléter ce concentré de technologie. Enfin, sous l'impulsion de clients avides de circuit, l'équipe Pagani créa la Zonda R. Non homologuée pour une utilisation routière, elle reprend les nouveaux matériaux de la Cinque mais de manière encore plus extrême, avec 750 chevaux. A 1,5 million d'euros, il y a cependant peu de chances que l'un de ces bijoux voient jamais une compétition officielle.  A priori entre dix et quinze de ces bijoux seront produits.

A l'heure actuelle, la production totale s'établit à environ une centaine d'exemplaires. La principale caractéristique des Pagani, unanimement reconnue et saluée, est sans doute la recherche de la perfection dans tous les domaines: esthétique, technologique, finition. Hormis à l'usine, sur les salons ou chez les distributeurs, il est rarissime de croiser une Zonda. La seule que j'ai vue jusqu'à maintenant en liberté était présente au Grand Prix de Monaco en 2007.

La société Motorstars propose des visites de l’usine de San Cesario Sul Panaro mais sans possibilités de prendre de photos, ce qui est quand même dommage pour un site comme Arthomobiles. Aussi, au dernier salon de Genève, j’avais pris contact sur le stand où étaient présentées la Cinque et la Zonda R pour voir si il était possible de faire une visite mais en prenant des photos. Quelques échanges de mail plus tard, le rendez vous était fixé. Je me présente donc à 9h00 dans le showroom de l’usine où sont présentes une Zonda F et une Zonda F Roadster, les deux en finitions carbone, la plus séduisante.

       

       

Rapidement, mon guide me rejoint : il s’agit de Luciano. Il me dit immédiatement que si j’ai besoin qu’il ouvre les voitures, je ne dois pas hésiter à demander. Il m’explique que le Coupé exposé est le dernier exemplaire de ce modèle et que le Roadster est l’avant dernier. L’usine ne fabriquera ensuite plus que les Cinque et les R avant de mettre un terme à la lignée des Zonda. La marque présentera ensuite son nouveau projet, nom de code C9, qui sera fabriqué dans une nouvelle usine. Hélas, le projet est encore top-secret et je n’obtiendrai aucune information à ce sujet, pas même une date prévisionnelle de présentation.  

       

Alors que nous discutons, Horacio Pagani lui-même s’arrête quelques instants pour me serrer la main et demander à Luciano de sortir la Roadster dehors pour les photos. Aussitôt dit, aussitôt fait. Je me retrouve donc seul avec la voiture pendant un bon quart d’heure. C’est l’occasion de confirmer que la recherche de l’excellence, voire de la perfection revendiquée par la marque n’est pas un vain mot.

       

       

Les détails sont ahurissants.

       

       

Le carbone est omniprésent.

       

       

       

L'intérieur est à l'avenant: un écrin de luxe

       

       

       

Vient ensuite le moment tant attendu : celui de pénétrer dans l’atelier. Mon hôte me précède quelques instants pour vérifier que tous les éléments sensibles (de la C9) sont dissimulés puis nous pénétrons dans l’atelier. On commence par la fin avec la salle d'assemblage. Deux cellules en carbone jouxtent une Zonda R. il s’agit au premier plan de la deuxième Cinque et des deux premières R (celle de Genève étant le numéro 0).  

       

La cellule de la R est indentifiable facilement aux trous réservés aux réservoirs qui passent dans les flancs. On voit également le matériau isolant qui isole l'habitacle de la chaleur du moteur.

       

A ce stade les faisceaux électriques sont déjà installés. Et sur la R, les palettes de changement de vitesse sont déjà là également.

       

Dans la R, la cellule est renforcée par un arceau

       

Le chassis proprement dit, en alliage léger, est prêt a être vissé sur la cellule. Les composants en aluminium sont sous traités à une entreprise de Modène : ASPA

       

Luciano me montre ensuite une vitrine éclairée dans laquelle sont stockées différentes petites pièces. Ce sont bien celles qui seront montées sur les voitures. Egalement présents, une portière de Cinque et deux énormes ventilateurs.

           

Les moteurs sont livrés entièrement assemblés depuis l’Allemagne, prêts à être montés. Seules les finitions en carbone sont ajoutées par Pagani. Etant donné le lien sentimental avec Fangio pour le partenariat au niveau des moteurs, il y a des chances pour qu’AMG continue longtemps à fournir le cœur des Pagani.

Les échappements sont sous traités à l’entreprise MHG, avec les même exigences que pour la Formule 1.

Nous passons ensuite dans une salle ou se prépare la partie qui m’intéresse le plus : la fabrication des pièces en carbone. Surprise, le carbone arrive enroulé comme des pièces de tissu (ici les rouleaux avec les feuilles protectrices bleues).

La fibre de carbone (le terme prend maintenant tout son sens) est très souple et est minutieusement plaquée à la main sur des moules, dans une pièce climatisée. C’est vraiment très étonnant pour les novices comme moi.

       

Ensuite, les pièces sont passées dans l'un des deux fours et durcissent avant d’être démoulées.

       

Elles en sortent donc assez brutes et ternes. Il faut donc les découper et les polir. Ensuite elles partent chez Seal SpA ou elles seront vernies, en mat ou brillant suivant le rendu souhaité. La pièce prend alors son aspect définitif si particulier, alliant solidité, finesse et légèreté.

Comme l’a démontré le Roadster du showroom, on peut obtenir un rendu coloré du carbone (les phares rouge foncés) mais c’est le vernis et non la fibre qui donne la couleur.    

C’est vraiment la partie de la visite qui m’a le plus impressionné. Pour la R, Pagani a développé un nouvel alliage encore plus résistant et léger : le carbone titane. L’entreprise donne ici sa pleine capacité dans son domaine d’origine : les matériaux composites. On reconnait facilement le carbone titane à ses fibres beaucoup plus fines mais cet alliage n’est utilisé que pour la structure de la voiture, et non pour sa carrosserie, pour des raisons de coût sans doute. Sur la photo ci dessous: en bas du sigle: carbone, en haut carbone - titane.

Ici les deux voitures présentées à Genève sont intégralement reprises pour parfaire leurs finitions.

       

       

Nous revenons vers la R qui est en cours de finition à l'assemblage.

       

       

Il s'agit du chassis N°1

       

On voit ici la structure du baquet de la R, en carbone nu. Ils sont ensuite expédiés chez Dani Leather qui s’occupe de la sellerie. La voiture sera livrée avec un ordinateur que le clients pourront brancher pour récupérer les données de la télémétrie.

       

Le soin apporté aux détails est toujours aussi incroyable

       

Luciano me désigne ensuite des classeurs numérotés. Chaque voiture est répertoriée et chaque opération qui est faite dessus doit y être consignée, avec le nom de l’intervenant. Cela permet à la marque une traçabilité parfaite sur toutes les interventions de fabrication ou de maintenance réalisées sur ses modèles.

Ici les énormes disques de freins Brembo, prêts à être montés.

La visite touche à sa fin mais Luciano a encore une petite surprise. Il déplace le chariot ou se trouve les disques de freins pour me montrer le design de la nouvelle usine, dessinée par Horacio Pagani en personne. Le design est vraiment très moderne, et les ouvriers devraient bénéficier d’environ trois fois plus de place. Elle ne devrait pas être très difficile à trouver, à trois blocs de l’ancienne avec une immense enseigne Pagani.

Egalement au mur se trouve le concept d’un modèle très spécial :  la Tricolore qui sera réservée à un très bon client de la marque. Elle disposera d’éléments tirés de la Cinque et d’une livrée mélangeant métal brossé et carbone. Il reste donc bien encore une Zonda à fabriquer, et celle-ci devrait exciter pas mal les spotters.

10h45 la visite touche déjà à sa fin. Il est vrai que la surface de l’atelier est vraiment très faible : çà ne m’étonne pas que les nouveaux locaux soient attendus avec une certaine impatience. Une dernière image avant de partir: les chassis avant et arrière sont en place pour être fixés à la cellule, le premier pas d'un assemblage encore loin d'être achevé.

En tout cas, la matinée aura été absolument passionnante. Un grand merci à Horacio Pagani pour sa sympathie, à Catia pour le rendez vous et à Luciano pour m’avoir tout expliqué. La devise de Pagani « nous n’avons rien à cacher » est parfaitement justifiée. Hormis le secret (tout à fait normal) qui entoure la C9, j’ai pu photographier absolument partout et sans contrainte dans les ateliers. Je ne connais aucune autre marque qui se permette une telle transparence. Comme son créateur le souhaite, Pagani incarne vraiment la perfection automobile actuellement, à tous points de vue.   

Lamborghini ne se trouve qu’à une quinzaine de kilomètres donc il s’agit fort logiquement de mon étape suivante. Dans une cour, une LP560 blanche. Et une LP640 qui part en essai.

       

Devant le Musée, à l’endroit habituel, se trouve une LP 670-4 SV orange. Avec la jaune de Genève, je suis content que la marque ait décidé de mettre de coté ses citernes de peinture blanche pour conserver son originalité. Elle est vraiment très belle.

       

       

       

Etrangement elle porte le N°0. Je ne sais pas quel était celui de la jaune de Genève.

Un peu plus loin, une LP640 noire mat.

Il est presque midi et je retourne vers ma voiture pour patienter un peu quand un bruit rauque retentit. Je pense d’abord à la LP560-4 blanche que j’ai aperçue dans une cour toute proche mais je fais quand même demi tour : principe de précaution. En fait il s’agit d’une LP560 Trofeo.

       

Cette fois, je regagne vraiment la voiture. En chemin, une photo qui illustre parfaitement Lamborghini actuellement : une LP560, blanche, le sigle de la marque et une Audi pour l’ascendance Germanique.

Bon, vais-je attendre l’après midi pour faire un peu de spotting ou partir tout de suite pour le retour. Qu’est ce que peuvent m’apporter de plus quelques Lambos partant en test après cette matinée de rêve. Pas grand-chose sans doute. Aussi je décide de partir tout de suite pour les 700 km du voyage. Arrivé à Come, le ciel est noir et quelques kilomètres plus loin à Lugano, un orage terrible éclate. C’est la première fois sur cette autoroute que je roule plus vite dans les tunnels qu’en dehors. Je me suis un peu plaint de la météo pour la Villa d’Este il y a trois semaines, mais si l’on avait subi ce temps là, voitures et spectateurs partaient au lac !

Le voyage est sans histoires, et d’une seule traite pour une fois. Pour moi ce voyage restera comme un moment vraiment fort dans l’assouvissement de ma passion et j’espère que vous aurez eu un peu l’impression d’y avoir participé. Arthomobiles va maintenant sommeiller un peu. J’ai décidé de zapper Sport & Collection encore cette année car j’ai déjà pas mal sollicité la famille ces dernières semaines et ma demande d’accréditation pour les 24H du Mans a été refusée (mon premier refus, snif). Tout devrait donc être très calme cet été mais j’ai déjà mis en ligne pas mal de lecture depuis un mois, il y a peut être des choses qui vous auront échappé.

Je termine sur un grand merci à mon épouse pour sa compréhension et sa patience. C’est surtout grâce à elle que j’ai pu vivre ces moments d’exception lors de ces dernières semaines et je lui en serai éternellement reconnaissant. Merci donc.

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